Aujourd’hui pour cette nouvelle fiche santé, nous allons nous intéresser à la migraine, cette douleur « qui nous prend la tête » et qui parfois nous impose même de rester au lit.
Mais au fait de quoi parle-t-on ?
La migraine n’est pas un simple mal de tête ou céphalée, mais une vraie maladie, qui se diagnostique et se traite.
Le terme « migraine » est souvent employé pour désigner un mal de tête. Or la migraine est une maladie qui répond à des critères diagnostiques bien précis et qui sont différents de la céphalée de tension. Alors au final, votre mal de tête, est-ce une céphalée de tension ou une migraine ?
Les céphalées de tension se manifestent par l’impression de « porter un casque sur la tête ». Tout le monde peut souffrir à un moment ou à un autre d’une céphalée de tension car il suffit d’être fatigué, stressé, mal installé à son bureau durant des heures de travail, etc., pour déclencher un tel mal de tête.
Les migraines, quant à elles, ont la caractéristique d’évoluer par crises, avec notamment des pulsations difficilement supportables. Les migraines ont une origine différente et une composante génétique (impliquant les chromosomes 19, 1 et 2).
Les femmes sont les plus touchées.
Les femmes sont plus souvent sujettes au stress et leur musculature du cou est plus faible que celle des hommes, d’où un risque accru de céphalée de tension en cas de contraction involontaire de ces muscles. Quant à la migraine, elle a aussi la particularité d’être rythmée par les cycles menstruels.
De plus, les facteurs qui déclenchent une céphalée de tension peuvent être les mêmes que les facteurs de risque d’une migraine. De fait, sur les 8 à 10 millions de Français qui sont touchés par la migraine, ce sont des femmes dans 70% des cas.
Et enfin, on peut être migraineux et faire de temps en temps des céphalées de tension ! Très simple tout cela !
Il est donc très important de faire la différence entre une céphalée de tension et une migraine, car seules les premières répondent bien aux antalgiques habituels (paracétamol ou anti-inflammatoires). Le traitement de la migraine de son côté repose sur des médicaments spécifiques et/ou sur un traitement de fond. Surtout évitez d’improviser votre traitement. Allez consulter un médecin.
Quels sont les critères diagnostiques de la migraine ?
Les critères diagnostiques de la migraine ont été établis par l’International Headache Society (IHS) et l’on distingue la migraine commune de la migraine avec aura.
Critères diagnostiques de l’IHS de la migraine commune (migraine sans aura)
A- Au moins 5 crises répondant aux critères B – D.
B- Crises de céphalées (maux de tête) durant de 4 à 72 heures (sans traitement).
C- Céphalées ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes :
Unilatéralité (douleur d’un seul côté).
Pulsatilité (douleur qui se manifeste par des battements).
Intensité modérée ou sévère.
Aggravation par les activités physiques de routine, telles que montée ou descente des escaliers.
D- Durant les céphalées, au moins l’un des caractères suivants :
Nausées et/ou vomissements.
Photophobie (intolérance à la lumière) et phonophobie (intolérance au bruit).
Critères diagnostiques de l’IHS de la migraine avec aura
A- Au moins 2 crises répondant aux critères de B.
B- Au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes :
Un ou plusieurs symptômes de l’aura, totalement réversibles. L’aura correspond à l’apparition de troubles sensoriels, en particulier visuels (phosphènes – formes géométriques brillantes, colorées et mouvantes – ou scotomes – zone de vision floue).
A cette aura visuelle peuvent succéder des troubles tactiles tels que des fourmillements et des picotements, des troubles du langage ou des hallucinations olfactives ou gustatives.
Les symptômes de l’aura se développent progressivement sur plus de 4 minutes et en cas de deux ou plusieurs symptômes, ils surviennent successivement.
La durée de chacun des symptômes de l’aura n’excède pas 60 minutes. S’il y a plusieurs symptômes, la durée acceptée est augmentée en conséquence.
La céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre de 60 minutes mais peut parfois commencer avant l’aura ou l’accompagner.
Si ces critères vous correspondent, il est probable qu’il s’agisse d’une vraie migraine. Consultez votre médecin afin de confirmer le diagnostic et trouver le traitement adapté. Un simple article ne peut raisonnablement pas prendre la place d’un diagnostic par un spécialiste.
Lien entre migraine et hormones
Le lien entre migraine et cycle menstruel a depuis longtemps été observé chez les femmes. En cause ? Les œstrogènes, qui jouent un rôle direct dans le fonctionnement cérébral et peuvent donc, lorsque leur taux chute, favoriser le déclenchement d’une crise de migraine.
Toute femme est, à partir de la puberté, sous l’influence d’hormones ovariennes – les œstrogènes et les progestérones -, qui orchestrent en grande partie le développement des caractères féminins, l’ovulation mais aussi l’humeur et la migraine.
Les premières crises de migraine apparaissent ainsi souvent au moment de la puberté, pour s’éclipser durant la grossesse (80% des cas) et souvent disparaître à la ménopause (30% des cas).
Ce lien entre variations hormonales et migraine s’explique par le fait que nos neurones possèdent de nombreux récepteurs aux oestrogènes. Le fonctionnement cérébral est donc influencé en partie par la présence de ces hormones. Lorsque leur taux chute (naturellement ou par arrêt de la pilule) – comme c’est le cas juste avant ou au début des règles -, le cerveau subit alors des modifications. Chez certaines femmes, ces changements au niveau du fonctionnement cérébral vont favoriser l’apparition de la migraine.
Prévenir les crises de migraine
Si les crises de migraine sont souvent plus fortes et plus invalidantes pendant la période menstruelle, la majorité des migraineuses n’est pas épargnée le reste du temps.
En vérité, seul 10% d’entre elles ne présentent de crises de migraine que durant les règles. Chez ces femmes qui souffrent exclusivement de migraine « cataméniale » (liée aux menstruations), la prise en charge se concentrera donc autour du facteur hormonal, indiscutablement impliqué.
Ainsi, lorsque la patiente prend la pilule ou que le cycle est régulier, un supplément en œstrogènes peut être administré juste avant les règles sous forme de patch ou de gel. Couplée à la prise d’un anti-inflammatoire, cette précaution permettra – en faisant chuter de manière moins abrupte le taux d’œstrogènes – de prévenir la crise de migraine.
Chez les femmes qui ont un cycle irrégulier et/ou ne prennent pas la pilule, la prise de triptans – médicaments spécifiques contre la migraine – peut également permettre de devancer la crise.
Pour empêcher la variation du taux d’œstrogènes, la prise de la pilule en continu peut aussi être envisagée. Aujourd’hui, de nombreuses pilules peuvent en effet être prises sans interruption entre les plaquettes – supprimant ainsi les menstruations.
La prise de la mini-pilule, qui ne contient que des progestatifs (et non des progestatifs et des œstrogènes, comme dans les pilules classiques, dites « combinées ») peut aussi constituer une solution.
A l’inverse, certaines pilules constituent un facteur aggravant dans la migraine. C’est le cas des contraceptifs fortement dosés en anti-androgènes et en œstrogènes, souvent préconisés pour lutter contre l’acné ou l’excès de pilosité.
De même, les traitements hormonaux post-ménopausiques peuvent envenimer la situation chez les migraineuses, alors que la ménopause en soi marque la fin des crises de migraine pour une femme sur trois. Toute contraception ou traitement hormonal substitutif doit donc être envisagé en tenant compte du profil migraineux de la patiente. Consultez votre médecin et parlez de vous. Certes votre médecin vous connaît. Mais rappelez-lui vos pathologies afin d’obtenir un traitement approprié.
Et les hommes ?
Jusqu’à présent, aucune étude n’a montré l’influence des hormones sexuelles chez les hommes migraineux. Seules les hormones sexuelles féminines semblent donc en cause dans la migraine.
Pour preuve, les transsexuelles qui, lorsqu’on leur administre des œstrogènes et des anti-androgènes (pour passer d’un phénotype « homme » à un phénotype « femme »), présentent un risque de devenir migraineuses, s’alignant ainsi sur les autres femmes qui, rappelons-le, sont trois fois plus touchées par la migraine que leurs congénères masculins.
Quelques chiffres
Pour finir, prenons conscience de l’ampleur du phénomène et arrêtons de souffrir sous prétexte qu’on est les seules à avoir « mal à la tête ». La douleur n’est pas une fatalité. En revanche, elle constitue le symptôme d’une pathologie qu’un spécialiste doit pouvoir détecter et diagnostiquer.
Les premiers chiffres concernant la migraine : 12 % de la population active, 6 à 7 millions de victimes, plus du quart des femmes de 30 à 39 ans concernées, 18 millions de jours d’arrêt de travail… Les chiffres de la migraine sont conséquents. Mais il est un pourcentage qui laisse particulièrement perplexe : 80 % des migraineux ne consultent pas. Pourtant, cette maladie n’épargne aucune tranche d’âge et peut avoir un retentissement social souvent minimisé par l’entourage.
Se basant sur les critères diagnostics internationalement reconnus, plus de 10 millions de Français seraient concernés par la migraine. En ajoutant les migraineux probables (10,1 %) et migraineux certains (11,2 %), le pourcentage de personnes touchées est en effet de 21,3 % de la population !
Plus de 80 % des migraineux présentent des crises modérées à sévères ;
Plus d’un sur 2 voit ses activités courantes perturbées par ses céphalées.
Pour ces migraineux probables, l’âge, la gestion de la maladie ou le nombre de jours avec crises est sensiblement identique à celui des migraineux certains. Les différences sont principalement liées à la méconnaissance du diagnostic par les malades, un sex ratio différent (deux femmes touchées pour un homme, contre trois femmes pour un homme chez les migraines certaines) et une apparition plus récente. Les migraines probables sont-elles des migraines certaines naissantes ? Pour le moment, rien ne permet de l’affirmer mais certains experts pensent que l’hypothèse est à explorer.
Un migraineux sur deux s’ignore
Une enquête Framig, menée au début des années 2000, confirme par ailleurs le retentissement important de la migraine sur la vie du malade mais également de son conjoint. Concernant le retentissement professionnel, les résultats sont éloquents :
Activités professionnelles réduites chez les migraineux pendant 1,5 jours en moyenne au cours des 3 derniers mois ;
Activités domestiques réduites pendant 3,8 jours en moyenne chez les migraineux au cours des trois derniers mois ;
Activités sociales, familiales ou récréatives réduites pendant 2 jours en moyenne chez les migraineux au cours des 3 derniers mois ;
Activités courantes réduites chez 70 % des migraineux.
La qualité de vie du migraineux dans son ensemble est bien moins bonne que celle d’un sujet non migraineux. Mais comment est vécue la maladie par le conjoint ? Près d’un sur deux (42 %) estime que les crises de migraine ont des répercussions sur leur vie quotidienne. L’influence sur la vie sexuelle n’est citée que par 19 % des conjoints, très loin derrière celle sur la vie de famille citée par 34 % et tout près de la vie sociale (18 %) et les loisirs (17 %).
80 % des migraineux non suivis par un médecin
Malgré les conséquences de cette maladie sur la vie quotidienne, l’enquête révèle que seulement 4 migraineux sur 10 se savent atteints, les autres ne pensant pas l’être (20 %) ou ne le sachant pas (40 %). Près de 80 % ne sont pas suivis par leur médecin pour ce trouble. La moitié n’a même jamais consulté pour la migraine. Parmi ces derniers, on trouve plus généralement des hommes de moins de 35 ans, des cadres et des migraineux probables. L’autre moitié a arrêté de consulter… ce qui souligne encore une fois l’importance de la première consultation et de la réponse médicale apportée tant en terme d’écoute, d’explication que de prescriptions.
Par ailleurs, près d’un migraineux sur deux a habituellement recours à l’automédication et donc à des traitements non spécifiques ( antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.). Mais cette proportion est à rapprocher du faible taux de migraineux (42 %) ayant réussi à traiter leur dernière crise avec une seule prise médicamenteuse… On note même que 15 % d’entre eux ont eu recours à au moins 5 comprimés ou gélules lors d’une crise. A contrario, 74 % des patients bénéficiant lors de leur crise d’un traitement spécifique ( triptan, tartrate d’ergotamine) ont pris un seul comprimé.
Vers de nouveaux comportements
L’importance de la première visite médicale et les insuffisances des traitements non spécifiques avaient été au cœur des récentes recommandations de l’Agence nationale d’accréditation en santé (Anaes). Ainsi, il avait été préconisé de modifier le traitement habituel des crises de migraines dès que le patient répondait « non » à au moins une des questions suivantes :
Êtes-vous soulagé de manière significative 2 heures après la prise ?
Ce médicament est-il bien toléré ?
Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ?
La prise de ce médicament vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos activités sociales, familiales ou professionnelles ?
Reprenant ce questionnaire, l’étude Framig 3 a révélé que 50 % des patients ayant traité leur dernière crise avec un traitement non spécifique ont répondu « non » au moins une fois. L’absence de soulagement dans les deux heures et la prise de plusieurs comprimés sont les deux raisons les plus souvent évoquées. Pour ces patients, l’Anaes recommande désormais la prescription sur une même ordonnance d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) et d’un triptan en cas d’inefficacité du premier médicament.
Pensez donc à consulter votre médecin d’autant plus que la recherche continue de progresser. Par ailleurs, de récents travaux (moins de cinq ans) montrent qu’une activité telle que la méditation contribue chez certaines personnes à réduire les crises de migraines. Les solutions sont donc multiples.
Alors prenez bien soin de vous et rendez-vous pour une prochaine fiche santé.
Émilie Mondoloni